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Les piliers et mesures de la loi Sapin 2

  • 26.07.2022

Loi Sapin 2 : un dispositif articulé autour de 3 piliers « indissociables » pour prévenir les risques de corruption en entreprise

« Un saut notable dans le cadre juridique français de lutte contre les infractions qui a permis à la France de retrouver crédibilité et visibilité dans ce domaine ». Telle est la conclusion de l’OCDE dans son 3ème audit d’évaluation de la politique anticorruption hexagonale.

Ce saut en avant , la France l’a effectué avec la promulgation le 9 décembre 2016 de la loi n° 2016-1691 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation économique. Plus connue sous le nom de loi Sapin 2, elle répond aux critiques essuyées jusque-là par les gouvernements pour leur politique jugée insuffisante.

23 ans après la loi Sapin 1 centrée sur des questions de corruption politique et publique, le texte de 2016 a marqué l’entrée de la France dans une nouvelle ère anticorruption. Le volet Sapin entreprise intègre les acteurs économiques, c’est-à-dire les entreprises privées dans la lutte contre la corruption. Comment ? En rendant obligatoire le déploiement d’un programme de mise conformité interne destiné à prévenir, la survenance de faits de corruption ou plus largement d’atteintes à la probité.

Quels sont les piliers et mesures de la loi Sapin 2 ?

Les instances dirigeantes ont l’obligation et la responsabilité de mettre en place un dispositif interne de prévention de la corruption. Les sociétés concernées sont celles établies sur le territoire national, dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés -, et dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros. Auparavant organisée autour de 8 piliers, l’approche a été enrichie dans le cadre des recommandations de l’AFA du  12 janvier 2021.

L’AFA précise ainsi qu’un dispositif anticorruption repose sur « 3 piliers indissociables » : l’engagement de l’instance dirigeante, la cartographie des risques de corruption et la gestion de ces risques que l’AFA précise être « la mise en œuvre de mesures et procédures efficaces tendant à leur prévention, à la détection d’éventuels comportements ou situations contraires au code de conduite ou susceptibles de constituer des atteintes à la probité et à la sanction de celles-ci. Cette gestion comprend également le contrôle et l’évaluation de l’efficacité desdites mesures et procédures ». Le dispositif s’appuie ainsi sur 8 axes principaux.

1 – Cartographier les risques de corruption

La cartographie recense, analyse et hiérarchise les risques d’exposition à la corruption. Ils dépendent de divers critères tels que ses secteurs d’activité ou ses localisations géographiques. Socle de la politique anticorruption de l’entreprise, la cartographie doit être actualisée régulièrement.

2 – Adopter un code de conduite

Le code de conduite est un document définissant « les types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence ». Intégré au règlement intérieur, il s’appuie sur les résultats de la cartographie des risques de corruption et est approuvé après consultation de l’instance des représentants du personnel.

3 – Prévoir un régime disciplinaire

Le régime disciplinaire vise à envisager un spectre de sanctions qui donneraient à s’appliquer en cas de violation d’une règle issue du règlement intérieur.

4 – Définir une procédure d’alerte en interne

Elle détaille la démarche à suivre, à l’attention des collaborateurs internes ou externes à l’entreprise, pour signaler un crime, délit ou une atteinte à l’intérêt général.

5 – Évaluer l’intégrité des tiers

La société soumise à la loi Sapin 2 doit mettre en place une procédure destinée à évaluer les tiers – clients ou fournisseurs, éventuellement partenaires de JV ou cibles d’acquisition – afin de s’assurer que ces derniers présentent des garanties de probité conformes aux exigences de l’entreprise.

6 – Mettre en place des contrôles (contrôles comptables et contrôle interne de niveaux 1, 2 et 3)

Les contrôles comptables, ou le contrôle interne, sont essentiels et doivent permettre à l’entreprise de maîtriser a minima, les risques identifiés dans la cartographie des risques de corruption, et de disposer en outre d’un robuste dispositif de contrôle interne général.

7 – Former et sensibiliser les équipes exposées

Des formations de prévention doivent être déployés pour sensibiliser aux dangers de la corruption les collaborateurs de l’entreprise identifiés comme les plus exposés.

8 – Contrôler et évaluer la mise en œuvre des mesures en interne

Le contrôle, le suivi et l’évaluation sont les dernières phases de la gestion de projet. Elles font entrer dans un processus d’optimisation continue. Des audits réguliers permettent d’adapter le programme de prévention de la corruption mis en œuvre.

Quelles sont les sanctions en cas de non respect des dispositions basées sur les piliers et mesures de la loi Sapin 2 ?

L’Agence Française Anticorruption, un organe de contrôle au service des professionnels

Créée en 2016, l’Agence Française Anticorruption (AFA) est dotée de prérogatives étendues de surveillance. Elle agit à trois niveaux :

  • La prévention, l’appui et le conseil : l’AFA élabore des recommandations et méthodes pour aider les entreprises à mettre en place leur programme de mise en conformité.
  • Le contrôle de la déclinaison des mesures de l’article 17 dans les entreprises.
  • La répression : la Commission des Sanctions de l’AFA a le pouvoir de sanctionner en cas de manquements aux obligations.

Les sanctions encourues par les entreprises

Comme l’a rappelé l’agence dans ses dernières recommandations en 2021, la mise en œuvre des piliers et mesures de la loi Sapin 2 engage la responsabilité des dirigeants. Les sanctions peuvent donc être prises à leur encontre ou à l’encontre de la société. Les montants s’élèvent jusqu’à 200 000 euros pour les personnes physiques et 1 000 000 d’euros pour les personnes morales. La commission des sanctions peut décider de publier ou non la sanction émise.

Avec le dispositif loi Sapin 2, la France a sensiblement élevé le niveau d’exigence lié à la prévention de la corruption. Dans sa dernière évaluation, l’OCDE l’incite à aller encore plus loin. Dans ses recommandations, elle souligne que des progrès restent à faire pour renforcer l’arsenal législatif et les ressources attribuées à la lutte contre la corruption.

En 2021, une proposition de loi allait dans le même sens. Issue d’un rapport de deux députés, sa principale mesure portait sur l’élargissement du dispositif de mise en conformité aux sociétés dont la maison mère était localisée à l’étranger. Elle proposait également d’instaurer une responsabilité pénale en cas de défaut avéré de surveillance ayant conduit à l’infraction d’un salarié. C’est le modèle du « failure to prevent » anglais, prévu par le UK Bribery Act.

Si cette proposition n’a pas été à ce jour adoptée, les entreprises doivent veiller aux évolutions législatives qui pourraient encore renforcer leurs obligations et responsabilités en matière de lutte contre la corruption.

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