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Loi Sapin 2, parrainage et mécénat : comment se protéger des risques de corruption ? 

  • 02.05.2024

En France, le mécénat des entreprises représente 3,6 milliards d’euros. 2,5 milliards d’euros sont investis dans le sponsoring sportif. Mais si le parrainage et le mécénat séduisent les acteurs publics et privés, ils ouvrent la porte à la corruption. Pour aider les organisations à se protéger, l’Agence Française Anticorruption (AFA) a publié en mars 2024 le guide de recommandations « Sécuriser les opérations de parrainage et de mécénat des entreprises ». Nul besoin d’être assujetti aux obligations de la loi anticorruption Sapin 2 pour s’inspirer de ces bonnes pratiques. Le guide s’adresse à toutes les entreprises, administrations et collectivités désireuses de maîtriser les risques de corruption liés à leurs opérations de parrainage et de mécénat. Synthèse des conseils de l’AFA pour une politique de communication éthique. 

Qu’est-ce que le parrainage et le mécénat ? 

Non définis par la loi, le parrainage et le mécénat sont deux pratiques parfois confondues. Si ces opérations ont des finalités voisines, elles se distinguent sur un point : la contrepartie. 

Parrainage et mécénat : quelles différences ?

L’administration fiscale définit le mécénat comme « un soutien direct, matériel ou financier apporté à une œuvre ou à une personne morale pour l’exercice d’activités d’intérêt général ». L’intention du don doit être libérale. Cela signifie que le soutien est apporté en l’absence de contrepartie. Une tolérance est néanmoins admise pour les contreparties symboliques sans but commercial ni publicitaire (obtention d’un bien matériel d’une valeur inférieure à 65 euros, citation discrète du donateur, apposition du logo…)

Le parrainage, encore appelé sponsoring, consiste à apporter un soutien matériel, humain ou financier à une personne, un produit, un événement ou une organisation présentant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, culturel, familial, artistique ou environnemental. Le parrainage est réalisé en vue d’obtenir un bénéfice direct, dans le cadre d’une stratégie commerciale ou de valorisation de la marque ou du territoire. En échange de son soutien, le donateur reçoit des contreparties (espaces publicitaires, mise en avant de son logo, stand, invitations…)

Pourquoi déployer une politique de parrainage et de mécénat ?

Outils de communication, le parrainage et le mécénat cumulent les avantages. Ils permettent de : 

  • Véhiculer une image positive de l’organisation, améliorer sa réputation et promouvoir ses valeurs. 
  • Engager l’organisation dans la société civile et favoriser un sentiment de proximité avec les clients, usagers et administrés.  
  • Mobiliser les collaborateurs et renforcer la culture d’entreprise. 

Le mécénat permet aussi de bénéficier d’avantages fiscaux, définis à l’article 238 bis du Code général des impôts. 

Parrainage et mécénat : quels sont les risques de corruption ? 

Bien qu’encadrées par des règles juridiques et fiscales strictes, le parrainage et le mécénat ouvrent une brèche dans l’organisation. Dès lors qu’il existe une contrepartie, symbolique ou clairement affichée, le risque de corruption apparaît. 

Contreparties et avantages dissimulés

Le parrainage et le mécénat favorisent les rencontres entre les secteurs publics et privés, entre les sphères professionnelles et privées. Ces liens multiplient les risques d’atteinte à la probité. Voici quelques exemples :  

  • Un salarié ou un agent sollicite ou accepte un avantage du bénéficiaire pour réaliser une opération de parrainage ou de mécénat ? 
  • Un fournisseur exige qu’une entreprise sponsorise le club de sport qu’il préside en échange de prix négociés sur ses produits ? 
  • Un directeur demande à une entreprise de parrainer l’association culturelle dont il est membre en échange de la signature d’un contrat ? 
  • Un agent public transmet à une entreprise des informations sur une procédure de marché public en échange d’un soutien matériel à l’association dont il est administrateur ?
  • Un président d’association use de ses liens familiaux pour obtenir le parrainage d’une entreprise administrée par son oncle ? 

Tous ces exemples illustrent des actes de corruption active ou passive. Selon la situation, ils peuvent être doublés d’accusation de favoritisme, de prise illégale d’intérêts ou de trafic d’influence

Détournement des contreparties et des soutiens

Autre risque lié au parrainage et au mécénat : le détournement des contreparties ou des dons. Ces délits sont sanctionnés par la loi

L’AFA énumère dans son guide plusieurs cas d’atteinte à la probité. Par exemple, l’acte de corruption est reconnu si une invitation, offerte en contrepartie d’un parrainage, est utilisé par le dirigeant pour obtenir un avantage de la part d’un collaborateur (obtention d’un contrat, accélération d’une procédure…) 

Également, l’argent versé dans le cadre d’un mécénat doit uniquement financer l’opération concernée. En cas de détournement de fonds, le donateur peut voir sa responsabilité civile et pénale engagée.

Disproportion du parrainage ou du mécénat

L’AFA attire l’attention sur le risque d’abus de biens sociaux, puni par la loi. Elle liste trois conditions qui protègent de cette accusation. Le parrainage ou le mécénat doit : 

  • Représenter des dépenses proportionnées aux capacités financières du donateur.
  • Ne pas être réaliser dans l’intérêt personnel des dirigeants ou des élus. 
  • Être proportionné aux retombées espérées en termes d’image et de publicité. 

Un risque spécifique : les marchés publics

Marchés publics, parrainage et mécénat ne sont pas incompatibles. Mais ils exigent une vigilance accrue pour garantir l’égalité de traitement entre les candidats et la transparence des procédures. 

L’AFA fixe une règle claire : une entreprise peut parrainer un événement organisé par une collectivité et une administration peut mécéner une personne, tant que ces liens ne conditionnent pas l’obtention d’un marché public, d’un contrat de concession ou d’une subvention. 

L’agence anticorruption rappelle aussi la limite subtile entre parrainage et marché public. Ainsi, un Département ayant versé une subvention à une entreprise informatique en contrepartie de la mise à disposition de logiciels dans les collèges a vu le contrat de parrainage requalifié en marché public

Comment maîtriser le risque de corruption du parrainage et du mécénat ? 

L’AFA émet dans son guide des recommandations non contraignantes pour maîtriser le risque de corruption lié aux opérations de parrainage et de mécénat. Même si elles ne sont pas assujetties aux obligations anticorruption de la loi Sapin 2, l’AFA invite tous les acteurs publics et privés à définir une politique de parrainage et de mécénat rigoureuse pour se protéger et protéger leurs collaborateurs

Identifier les risques liés au parrainage et au mécénat

Localisation géographique, relations avec les acteurs publics, exposition médiatique, forte concurrence, secteur public, groupe international… : les risques liés au parrainage et au mécénat varient en fonction des bénéficiaires, de l’activité du donateur et du contexte. 

Pour déployer des mesures anticorruption proportionnées, la première étape consiste à recenser et caractériser ces menaces dans la cartographie des risques. L’AFA recommande d’inclure l’évaluation des tiers bénéficiaires, aux dispositifs de prévention souvent fragiles, parfois inexistants. 

Parmi les risques qui doivent inciter à la prudence, l’AFA cite l’objectif flou du projet, les statuts irréguliers, l’affectation peu transparente des contributions, l’absence de comptes publiés ou certifiés, la présence de personnalités publiquement exposées ou encore la dépendance économique.

Structurer la gouvernance du parrainage et du mécénat

Structurer la gouvernance, le pilotage et la gestion des opérations de parrainage et de mécénat aide à prévenir les risques créés par l’urgence, les décisions individuelles et les relations de proximité. L’AFA invite les organisations à : 

  • Mettre en place une gouvernance collective – incluant le cas échéant la conformité, le contrôle et l’audit interne -, pour sélectionner les opérations de parrainage et de mécénat. Pour encore plus de transparence, l’AFA propose un vote des collaborateurs pour choisir les projets à soutenir. 
  • Nommer un responsable Parrainage et Mécénat, voire créer un service dédié. Son rôle ? Garantir la conformité et le bon déroulement des opérations, dans le respect des conventions de parrainage et de mécénat. 

L’organisation peut aussi choisir de confier sa politique de mécénat à une structure dédiée (fondation, fonds de dotation, association). 

Formaliser la politique Parrainage et Mécénat

Pour sécuriser les décisions, l’AFA encourage les entreprises et collectivités à formaliser leur politique en matière de parrainage et de mécénat, en cohérence avec leurs autres politiques anticorruption. 

Cette formalisation passe par la rédaction d’une procédure d’instruction des projets. Ce document définit a minima les critères objectifs de sélection des projets. L’organisation peut notamment déterminer la nature des opérations, le type de bénéficiaires autorisés, le montant maximum des soutiens financiers, ainsi que les contreparties acceptées (compatibles avec la politique Cadeaux et Invitations).  

Obligatoire pour les entreprises et administrations soumises à la loi Sapin 2, le code de conduite interne illustre les comportements à proscrire. 

Encadrer les demandes de parrainage et de mécénat

L’AFA recommande de mettre en place une procédure de traitement des demandes de parrainage et de mécénat. Centraliser les données et conserver une trace écrite et documentée aident à répondre aux contrôles et soupçons de corruption.  

Chaque opération doit être officialisée par une convention signée. Celle-ci peut notamment mentionner la nature et la finalité du projet, les obligations du bénéficiaire, l’affectation du soutien, le détail des contreparties, le responsable du suivi de l’opération, les engagements du bénéficiaire en matière de lutte contre la corruption, la transmission d’un rapport financier, etc. 

Former, communiquer, alerter

La politique Parrainage et Mécénat doit être partagée au sein de l’organisation. La communication interne, ainsi que la visibilité accordée aux projets, renforcent la culture d’entreprise et favorisent la remontée d’informations en cas de soupçon de corruption. 

La mise en place d’un dispositif d’alerte est obligatoire pour les entreprises et personnes morales de droit public d’au moins 50 collaborateurs, en application de l’article 8 de la loi Sapin 2. Ce dispositif peut être ouvert aux bénéficiaires des opérations de parrainage et de mécénat pour signaler les comportements douteux. 

Pour garantir l’efficacité et la conformité des opérations de parrainage et de mécénat, l’AFA conseille de compléter la communication par des actions de formation et de sensibilisation, conformes à l’article 17 de la loi Sapin 2.

Contrôler et améliorer

Tout risque doit être associé à des systèmes de contrôle, adaptés au profil de l’organisation, du bénéficiaire et de l’opération. Ces dispositifs sont de plusieurs niveaux : 

  • Les contrôles comptables pour tracer et justifier les flux financiers. 
  • Les contrôles analytiques pour disposer d’une vision globale de toutes les opérations de parrainage et de mécénat, qu’elles soient de nature financière, matérielle et humaine. 
  • Le contrôle des contreparties dans le registre Cadeaux et Invitations pour anticiper les dérives. 
  • Le contrôle interne et l’audit interne pour vérifier le respect et l’efficacité des procédures, capitaliser sur les points forts et identifier les points faibles, dans un processus d’amélioration continue. 
  • Le contrôle des organismes bénéficiaires pour vérifier l’usage des dons financiers et le respect de la convention de parrainage ou de mécénat. Ce contrôle peut s’étendre à tous les échanges commerciaux et financiers entre le donateur et chaque bénéficiaire afin de valider que le parrainage ou le mécénat n’engendre pas des avantages indus. 

Le parrainage et le mécénat sont des pratiques vertueuses pour les donateurs et les bénéficiaires. Mais ils augmentent les risques de corruption. Pour les maîtriser, l’AFA encourage les entreprises, administrations et collectivités à déployer une politique rigoureuse de pilotage et de contrôle. Values Associates vous propose une solution digitale simple, intuitive, personnalisable et évolutive pour suivre, tracer et sécuriser vos opérations de parrainage et de mécénat. Grâce à la digitalisation, vous pourrez communiquer et renforcer vos relations professionnelles en toute sérénité, dans le respect de la légalité et de la loi Sapin 2 anticorruption. 

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