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Les conflits d’intérêts dans le secteur public

En faisant prévaloir des intérêts privés sur l’intérêt de la collectivité ou de l’administration, le conflit d’intérêts ébranle le fondement même du service public : servir l’intérêt général.

En conduisant à des décisions biaisées, il sape les grands principes de neutralité, d’égalité et de probité régissant le droit de la fonction publique.

Au-delà de ces impacts éthiques, le conflit d’intérêts menace la stabilité budgétaire de la collectivité ou de l’administration, perturbe son fonctionnement interne et accroît la méfiance des citoyens. Combattre les situations de conflits d’intérêts est donc une vraie nécessité.

Quels sont les types courants de conflits d’intérêts dans le secteur public et comment les éviter ? Exemples et outils.

Illustration d’un agent public hésitant entre l’intérêt général et un intérêt personnel, symbole d’un dilemme éthique dans le secteur public.

Pourquoi les conflits d’intérêts affectent-ils le secteur public ?

Le secteur public est un secteur particulièrement sensible aux conflits d’intérêts du fait de sa proximité avec les citoyens et de la gestion de l’argent public.

Des enjeux de confiance publique

Qu’ils soient réels ou simplement perçus, les conflits d’intérêts nuisent à la confiance des citoyens envers les institutions publiques.

Lorsqu’un scandale éclate, le manque de transparence renforce le sentiment de corruption et d’injustice, alimentant la défiance vis-à-vis de l’État et des élus. Cette perte de confiance peut entraîner une baisse de la participation démocratique et un rejet des politiques publiques, jugées illégitimes et inefficaces.

L’impact sur les politiques publiques

Les décisions guidées par l’intérêt personnel sont souvent coûteuses pour la collectivité ou l’administration. Elles peuvent conduire au choix de fournisseurs et de prestataires moins-disants, proposant des prix plus élevés et une qualité de service moindre.

Or, les collectivités ont l’obligation de présenter un budget à l’équilibre. Tout dépassement dans les dépenses nécessite de nouveaux arbitrages dans les politiques publiques. Les élus ont deux choix : réduire les dépenses en supprimant des projets et des subventions, ou remonter les recettes en augmentant les taxes locales.

Quelle que soit leur décision, ces mesures impopulaires alimentent le ressentiment des administrés, ébranlant leur confiance.

    Manifestation citoyenne devant un bâtiment public pour dénoncer les conflits d’intérêts, la corruption et la perte de confiance envers les institutions.

    Les types courants de conflits d’intérêts dans le secteur public

    L’actualité est riche de scandales de conflits d’intérêts dans le secteur public. Ceux-ci peuvent prendre plusieurs formes, toutes réprimées par la loi et le Code pénal.

    Le délit de favoritisme dans les marchés publics

    Le délit de favoritisme survient lorsqu’un agent public ou un élu attribue un contrat en privilégiant une entreprise ou un prestataire sans respecter les règles de mise en concurrence. Le conflit d’intérêts porte alors atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics.

    Le risque est particulièrement élevé au niveau des communes, intercommunalités et départements. Les élus occupent en effet souvent des fonctions parallèles dans des entreprises et associations locales. Ayant grandi sur le territoire, ils entretiennent aussi de nombreux liens amicaux et familiaux de proximité.

    Ainsi, nombre de délits de favoritisme concernent des attributions de marchés publics à des entreprises dont le dirigeant est un élu, un frère, une amie, un ancien camarade de classe, etc. L’élu est aussi en situation de conflits d’intérêts s’il s’avère être un actionnaire du titulaire de l’appel d’offres. Certaines prestations peuvent enfin être confiées à des fournisseurs sans mise en concurrence, dans le cadre d’un « échange de bons procédés » ou d’octroi d’avantages privés.

    Un exemple : en 2024, le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini est condamné pour le trucage des marchés publics. 15 ans auparavant, il avait préempté un terrain pour sauvegarder une plante rare pour le revendre ensuite à son frère pour l’extension d’une décharge.

    Le népotisme

    Le népotisme est le fait d’utiliser sa position pour accorder des avantages à un membre de sa famille ou de son entourage, indépendamment des compétences. Ce délit touche d’autres domaines que les marchés publics.

    Le népotisme est par exemple caractérisé si :

    • Un agent public attribue une aide publique à l’entreprise où travaille son oncle.
    • Un maire recrute comme agent public le fils de son premier adjoint, non qualifié pour le poste.
    • Un agent public attribue une place en crèche ou un logement HLM à son ami d’enfance.
    • Une chargé de Ressources Humaines attribue une promotion à son mari qui travaille dans la même collectivité.
    • Etc.

    Exemples : de nombreuses condamnations concernent des élus ayant recruté des membres de leur famille. En 2017, un maire a été condamné pour avoir recruté sa sœur au poste de directrice générale des services (DGS). En 2014, la présidente d’un Office public de l’habitat (OPH), également adjointe au maire, est condamnée pour avoir fait embaucher trois de ses proches au sein de l’OPH. En 2014, un maire est condamné pour avoir voté l’embauche de sa fille au secrétariat de l’hôtel de ville et au camping municipal.

    La prise illégale d’intérêts

    La prise illégale d’intérêts est aussi un délit pénal. Elle sanctionne toute personne investie d’une mission de service public qui profite de sa position pour obtenir un avantage personnel, direct ou indirect.

    Cela peut concerner un élu qui facilite l’obtention d’un contrat pour une société dans laquelle il détient des parts ou un agent public qui favorise une entreprise à laquelle il est lié financièrement.

    Un exemple : en 2001, le membre du conseil d’administration d’un port autonome sous le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) a été condamné pour prise illégale d’intérêts. La raison ? Il était aussi actionnaire et gérant d’une société de transport maritime et avait voté la remise gracieuse des redevances impayées par cette société à l’EPIC.

    Illustration d’un agent public favorisant une entreprise avec laquelle il a un intérêt personnel, symbole d’une prise illégale d’intérêts dans le secteur public.

    Le trafic d’influence

    Le trafic d’influence survient lorsqu’un agent public ou un élu utilise son influence pour orienter une décision en échange d’un avantage personnel.

    Il peut s’agir d’un élu qui intervient auprès d’un service administratif pour favoriser un prestataire contre une promesse de contrepartie, ou d’un haut fonctionnaire qui use de son réseau pour influencer des nominations ou l’octroi de marchés. Contrairement à la corruption, où un échange direct d’argent ou de services a lieu, le trafic d’influence repose sur un jeu plus subtil mais tout aussi illégal.

    Un exemple : en 1998, le dirigeant et le responsable commercial d’une entreprise ont été condamnés pour trafic d’influence. Via un intermédiaire, ils avaient versé des sommes au premier adjoint d’une commune afin qu’il use de son influence pour favoriser la société au sein de la commission d’appels d’offres et l’aider à remporter le marché.

    Le pantouflage

    Le pantouflage désigne la reconversion d’un haut fonctionnaire, d’un élu ou d’un agent public vers le secteur privé, souvent dans un domaine en lien avec ses anciennes responsabilités. Cette situation peut être problématique si la personne utilise les informations ou les réseaux acquis dans le secteur public au profit d’une entreprise privée, ce qui crée une concurrence déloyale ou un risque de collusion.

    Pour limiter ces abus, des règles encadrent les transitions entre la fonction publique et le privé, notamment par des contrôles via des instances comme la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) ou le référent déontologue local.

    Un exemple : en 2014, un ancien fonctionnaire de préfecture a été condamné pour pantouflage pour avoir intégré une société privée mandataire dont il contrôlait la légalité des projets et les actes d’urbanisme.

    Les conséquences des conflits d’intérêts pour les administrations

    Les répercussions des conflits d’intérêts sur les collectivités et administrations sont multiples. À la perte de confiance et à l’impact budgétaire, s’ajoutent des conséquences juridiques,financières, organisationnelles et éthiques.

    Des sanctions juridiques

    Les conflits d’intérêts exposent les collectivités et administrations à des risques juridiques élevés.

    Dans le cadre d’affaires judiciaires impliquant des élus et agents publics, la responsabilité de l’administration peut être engagée.

    En cas de prise illégale d’intérêts ou de favoritisme, les peines prévues par la loi incluent des amendes substantielles, des peines de prison pour les responsables, et des interdictions d’exercer.

    Illustration d’un agent public jugé pour conflit d’intérêts, avec juge, avocat et symbole de justice dans un tribunal.
    Illustration d’un responsable administratif préoccupé par l’impact budgétaire des conflits d’intérêts, avec documents financiers et graphique en baisse.

    Des coûts financiers pour l’administration

    Des choix inefficaces pris sur la base d’intérêts personnels peuvent engendrer des dépenses publiques injustifiées.

    En cas de contentieux ou de sanctions liées à des conflits d’intérêts, les administrations doivent aussi supporter les coûts des procédures juridiques, des amendes, et les dommages et intérêts éventuels. Ces coûts pèsent lourdement sur le budget de l’administration et les finances publiques.

    Des dysfonctionnements dans la gestion des ressources publiques

    Les conflits d’intérêts perturbent le bon fonctionnement des administrations en introduisant des biais dans la gestion des ressources publiques.

    Par exemple, lorsqu’un agent public attribue des marchés, des subventions ou des contrats en faveur de son entourage ou de ses intérêts personnels, cela peut conduire à une mauvaise allocation des ressources. L’efficacité des politiques publiques se trouve compromise.

    Le financement d’initiatives importantes peut être détourné pour favoriser des projets moins pertinents ou moins compétitifs, avec une perte de valeur pour les citoyens

    Illustration d’une mauvaise gestion des ressources publiques due à un conflit d’intérêts, avec un agent en colère déchirant un document et une collègue préoccupée.
    Illustration d’une situation de favoritisme dans la fonction publique, avec une femme mécontente face à un collègue bénéficiant d’un traitement privilégié.

    La remise en cause du principe d’égalité

    La fonction publique repose sur des principes d’égalité, de neutralité et de probité. Les conflits d’intérêts sapent ces principes fondamentaux, en accordant des avantages aux individus et entreprises entretenant des liens avec les décideurs.

    Cela favorise une culture de privilèges et de pratiques discriminatoires, qui altère la confiance des citoyens et des administrés.

    Comment prévenir les conflits d’intérêts dans la fonction publique ?

    La prévention des conflits d’intérêts dans la fonction publique est cruciale pour garantir l’intégrité des agents publics, la transparence des décisions administratives, l’équilibre budgétaire et la confiance du public dans ses institutions. La loi a mis en place trois principaux outils pour encadrer les risques de conflits d’intérêts dans les collectivités et administrations.

    🔍 La déclaration d’intérêts : un premier garde-fou

    La déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale consiste à déclarer les intérêts personnels, financiers et familiaux susceptibles d’interférer avec l’exercice des fonctions publiques.

    Elle a été rendue obligatoire par la loi de 2013 sur la transparence de la vie publique pour les hauts responsables et fonctionnaires publics. La loi de 2016 sur la déontologie dans la fonction publique a étendu cette obligation aux élus locaux et agents publics les plus exposés. Selon la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), 18 000 responsables publics sont concernés (ministres, parlementaires, présidents et directeurs de de conseils régionaux et départementaux, maires et adjoints au maire, membres d’autorités de contrôle,…)

    🧭 Le référent déontologue : une mission de conseil

    La loi de 2016 rend également obligatoire la désignation d’un référent déontologue dans les collectivités et administrations. Celui-ci assure essentiellement une fonction de conseil auprès des agents publics. Il les renseigne sur leurs droits et obligations. Il accueille les signalements de situations de conflits d’intérêts réels, apparents ou potentiels, et conseille sur les comportements à adopter pour les prévenir et les gérer. Il étudie enfin les demandes de cumul d’activités publiques et privées des agents publics ou les demandes de reconversion dans le privé, afin d’identifier d’éventuels risques de conflits d’intérêts.

    Le référent déontologue veille aussi à la mise en place d’une politique de sensibilisation et de formation, afin de rendre les agents publics conscients des risques de conflits d’intérêts et de leurs obligations légales.

    Depuis le 1er juin 2023, un référent déontologue dédié aux élus locaux doit aussi être nommé par les collectivités.

    ⚖️ Les règles de retrait des décisions

    En plus de la double signature, de la validation hiérarchique, des décisions collectives en commission d’appels d’offres et autres instances de gouvernance, la loi sur la transparence de la vie publique a mis en place un autre dispositif d’encadrement des décisions. Elle impose le retrait automatique des décisions des élus locaux et membres du gouvernement si leur intérêt personnel est engagé.

    Un agent public peut aussi se voir contraint de se retirer de l’examen ou de la prise de certaines décisions dès lors qu’un conflit d’intérêts est suspecté.

    Les conflits d’intérêts dans le secteur public sont une menace réelle pour l’intégrité des collectivités et des administrations. Leur impact peut être profond, affectant à la fois l’efficacité des politiques publiques, la transparence des décisions et la stabilité budgétaire. L’adoption d’une politique de prévention et de gestion des conflits d’intérêts proactive est essentielle pour garantir la probité des élus et agents publics et restaurer la confiance des administrés. La vigilance, la transparence et la responsabilité demeurent les clés d’un secteur public éthique, respectueux de ses principes fondateurs.

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