Depuis le 1er juin 2017, les grandes entreprises françaises sont soumises à la loi Sapin 2 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation économique. Concrètement, elles doivent mettre en œuvre un programme interne pour lutter contre les faits de corruption, le trafic d’influence, la concussion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds ou le favoritisme.
Ce programme, dit de mise en conformité, embarque dirigeants et personnel dans le combat français anticorruption. Prévention, formation, action, sanction en sont les maîtres-mots. Les obligations sont régies par l’article 17 de la loi Sapin 2. Elles se déclinent en huit mesures phares. Décryptage.
Identifier et prévenir
Le premier axe du programme de mise en conformité loi Sapin 2 repose sur la prévention et la connaissance. L’objectif est de réduire les risques de corruption et de trafic d’influence en amont. Dans cette optique, les entreprises françaises concernées ont à leur disposition quatre outils qu’elles doivent obligatoirement déployer.
1er outil : la cartographie des risques
La cartographie des risques est l’outil central d’un plan d’actions de lutte contre la corruption. Sous une forme graphique et visuelle, elle permet de faciliter la compréhension des risques de corruption et de trafic d’influence auxquels l’entreprise peut être exposée. Ceux-ci sont classés et hiérarchisés selon leur criticité. Elle est évaluée en fonction de deux facteurs : la gravité de leur impact et la probabilité de leur survenance.
L’analyse peut tenir compte notamment des risques particuliers liés aux secteurs d’activité et aux zones géographiques dans lesquels l’entreprise et ses filiales exercent leurs activités.
2ème outil : l’évaluation de l’intégrité des tiers
L’évaluation de l’intégrité des tiers complète la cartographie des risques. Elle vise à détecter tous les risques auxquels la société et ses filiales françaises et étrangères pourraient être confrontées via ses partenaires, clients, fournisseurs de premier rang et intermédiaires. Elle consiste à évaluer l’intégrité de chacun et le propre engagement des tiers dans la lutte contre la corruption.
3ème outil : le code de conduite interne
Le code de conduite est un outil à visée interne. La loi Sapin 2 part du principe que le salarié est un acteur de lutte contre la corruption à double titre. D’une part, parce qu’il est la cible potentielle des corrupteurs. D’autre part, parce qu’il est le mieux placé pour repérer d’éventuels faits de corruption sur le terrain.
C’est un document pédagogique qui décrit « les types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence ». Cette description doit s’accompagner de toutes les explications sur les conduites à tenir en cas de tentatives de corruption subies ou repérées.
Le code de conduite est aussi un acte politique des dirigeants. En préambule, les dirigeants y expriment leurs engagements en matière de lutte contre la corruption dans l’entreprise.
Rattaché au règlement intérieur, le code doit faire l’objet, comme certaines conventions, d’une procédure de consultation des instances de représentation du personnel avant validation et diffusion.
4ème outil : la formation des personnels
Dans le cadre de la loi Sapin 2, les entreprises concernées par la lutte contre la corruption ont l’obligation de déployer un dispositif de formation dédié aux cadres et personnels les plus exposés aux risques.
Agir et réagir
Action – réaction : ces deux termes peuvent résumer trois autres obligations des entreprises françaises dans le cadre de la loi Sapin 2. En complément des actions de sensibilisation et prévention, les sociétés doivent mettre en place différentes procédures pour contrôler, signaler et sanctionner.
5ème outil : des contrôles obligatoires
L’entreprise a l’obligation de mettre en œuvre un dispositif de contrôle et d’évaluation interne permettant de sécuriser les situations relatives aux risques recensés dans sa cartographie des risques de corruption. Elle doit par ailleurs être en mesure de documenter et démontrer que ce dispositif est correctement mis en oeuvre et actualisé.
6ème outil : une procédure d’alerte
L’entreprise a l’obligation de mettre à disposition une procédure claire, sécurisée et confidentielle pour signaler toutes conduites contraires au code de conduite. Elle doit être ouverte aussi bien aux salariés de l’entreprise, qu’aux collaborateurs extérieurs et occasionnels comme les intérimaires ou les prestataires de service.
L’article 17 de la loi Sapin 2 ne précise pas les modalités du dispositif de signalement. Chaque entreprise reste libre de définir les moyens mis en œuvre pour permettre à chacun de faire remonter ses soupçons de faits de corruption. Le dispositif peut être géré soit en interne, soit en externe par un tiers spécialisé. La procédure doit détailler précisément les personnes en charge du recueil et du traitement des alertes, ainsi que toutes les modalités de remontée des informations et de respect de la stricte confidentialité des données et des personnes.
Le lanceur d’alerte est protégé par la loi Sapin 2. Dans un cadre professionnel, l’employeur ne peut prendre aucune mesure discriminatoire, répressive ou de licenciement envers un salarié qui ferait un signalement.
7ème outil : le régime disciplinaire
En cas de faits de corruption ou de trafic d’influence avérés au sein de l’entreprise, celle-ci a l’obligation de réagir. Elle doit disposer d’une échelle de sanctions internes disciplinaires, graduées et proportionnées, afin de sanctionner toute violation du code de conduite interne. L’employeur conserve un pouvoir d’appréciation au cas par cas.
Évaluer et actualiser
Pour garantir l’efficacité de la lutte contre la corruption dans l’entreprise, le programme de conformité loi Sapin 2 doit être actualisé et évalué régulièrement. Il doit être adapté en fonction des changements du contexte dans lequel évolue l’entreprise, des transformations des risques auxquels elle peut être confrontée.
Pour conserver leur pertinence, tous les outils mis en œuvre sont à actualiser régulièrement, notamment la cartographie des risques. Cette procédure d’évaluation et d’amélioration continue du dispositif anticorruption est le 8ème outil que l’entreprise doit obligatoirement déployer.
La loi Sapin 2 marque un tournant majeur dans la lutte anticorruption en France en intégrant les entreprises françaises dans le combat. Dans l’entreprise, tout le monde est concerné. Si certains collaborateurs sont plus exposés que d’autres, tous peuvent être témoins d’un fait de corruption ou de trafic d’influence, quel que soit son rôle dans l’organigramme. C’est sur ce principe que reposent en grande partie les obligations de la loi Sapin 2 déclinées dans l’entreprise.
Quelles entreprises sont concernées par les obligations de la loi Sapin 2 ?
En application de l’article 17 de la loi Sapin 2, ces obligations de mise en conformité anticorruption s’appliquent précisément :
- Aux sociétés employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe de sociétés dont la société mère a son siège social en France et dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros. ». Les obligations portent à la fois sur la société mère, ses filiales et les sociétés qu’elle contrôle.
- Aux établissements publics à caractère industriel et commercial employant au moins cinq cents salariés, ou appartenant à un groupe public dont l’effectif comprend au moins cinq cents salariés, et dont le chiffre d’affaires ou le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros.
Quelles sont les sanctions en cas de non-respect des obligations de la loi Sapin 2 ?
La loi Sapin 2 a créé une agence de contrôle, l’Agence Française Anticorruption (AFA). Sa mission est d’informer, contrôler et sanctionner les entreprises soumises aux obligations anticorruption. Si à l’issue d’un contrôle, il est constaté des manquements à la loi Sapin 2, la commission des sanctions de l’AFA dispose de trois niveaux de sanctions :
- L’avertissement : c’est le premier niveau de sanction. Il consiste en une première mise en garde adressée aux dirigeants de la société.
- L’injonction : l’AFA peut exiger de l’entreprise la mise en place des mesures internes anticorruption, en fonction des recommandations issues du contrôle. Le délai de mise en conformité est fixé par l’agence et ne peut excéder trois ans.
- La sanction financière : l’agence française anticorruption peut émettre une amende à l’encontre de la personne physique et/ou morale concernée. Son montant peut atteindre 200 000 euros pour une personne physique et 1 000 000 d’euros pour une personne morale.
Pour rappel, les dirigeants sont considérés comme les responsables du déploiement des obligations de la loi Sapin 2 dans l’entreprise. En cas de manquements, leur responsabilité individuelle est engagée.